Comment s’assurer que son enfant porteur de handicap bénéficie d’une sécurité de logement, même lorsque les parents ne seront plus là ? Et si l’habitat groupé, avec une séparation des biens, était une solution ? Pour en savoir plus, nous sommes allés à la rencontre d’une famille de Saint-Gérard. Une famille nombreuse et recomposée, avec des enfants biologiques et adoptés, dont certains sont porteurs et porteuses de handicap. Une famille dont l’ADN commun réside moins dans le patrimoine génétique que dans l’entraide et la solidarité.
Famille hors du commun
Nous pénétrons dans la cour de l’imposante bâtisse de l’ancienne ferme de l’abbaye de Brogne, à Saint-Gérard. Nous sommes chez Monique Materne et Luc Jacqmin. Ou plutôt : chez Monique, Luc et plusieurs de leurs enfants, désormais propriétaires d’une partie des bâtiments, qui hébergent 16 personnes liées par des relations familiales diverses.
Dans cette tribu, chaque situation est unique. Petit tour d’horizon…
Il y a une vingtaine d’année, Luc et Monique se sont rendus en Inde pour adopter Benita et Mohan, deux enfants porteurs de handicap. Un choix mûrement réfléchi : « Nous voulions donner une famille à des enfants réputés inadoptables », explique Monique. Chacun de ces enfants occupe aujourd’hui une partie des bâtiments. Benita occupe un étage du corps de logis, Mohan est propriétaire du bel édifice qui enjambe le porche, bientôt rénové. Ils vivent en autonomie relative, avec le soutien de leurs parents et de leurs autres frères et sœurs.
Avant l’adoption de Benita et Mohan, Monique et Luc étaient déjà cinq fois parents : chacun a deux filles d’un premier mariage et ils ont un fils ensemble. Une fille de Monique et leur fils commun vivent également à la ferme de Brogne, avec leur conjoint et leurs enfants. Tous deux sont propriétaires d’un bâtiment rénové, ou en passe de l’être.
À cela, il faut encore ajouter la présence de quatre jeunes filles en accueil.
« Avec mon premier mari, nous avions accueilli une petite fille », raconte Monique. « Entretemps, elle avait grandi et venait d’être mère. En raison de ses difficultés de vie, les services sociaux avaient décidé de lui retirer la garde de l’enfant. À sa demande, nous avons accueilli le nouveau-né. » Par la suite, trois autres enfants ont été accueillis, dont deux avec un retard ou un handicap mental léger. Aujourd’hui, ce sont quatre filles en accueil, âgées de 10 à 17 ans, qui assurent l’ambiance à la ferme.
Le principe de l’accueil, c’est d’être provisoire. Le but est de permettre à l’enfant de grandir sereinement, tout en gardant un lien avec les parents d’origine. « Ça, c’est la théorie », sourit Luc. « Dans la réalité, les parents sont souvent aux abonnés absents, et l’enfant préfère se raccrocher à un cadre sécurisant. »
L’entraide comme fil conducteur
« Ce n’est pas simple tous les jours », avoue Luc. Les parcours de vie laissent des traces. Pas question de regrets, toutefois. « Quand on voit le résultat, les réussites et les progrès de chacun, on se dit qu’on a pris les bonnes décisions ». Monique renchérit : « c’est vraiment une aventure magnifique ».
Veiller sur ce petit monde est un challenge trépidant. À une époque, il y avait 15 personnes à table. « Aujourd’hui, je cuisine seulement pour huit », tempère Monique. « Mais elle fait toujours trop », s’amuse Luc. L’entraide est au cœur des liens qui unissent cette famille étonnante. « Il y a toujours quelqu’un pour celle ou celui qui a un souci », résume Monique. « C’est ça, la vie, non ? Il faut savoir partager », philosophe Luc.
Cette entraide et cette solidarité, c’est aussi ce qui permet à des personnes porteuses de handicap léger de vivre en autonomie, en s’appuyant sur des proches qui peuvent apporter un soutien lorsque c’est nécessaire.
Un logement pour chacun
Le projet d’habitat groupé de Monique et Luc est guidé par une idée maîtresse : offrir à chacun la sécurité d’un logement qui lui appartient, même en situation de handicap. Un objectif qui a séduit la Banque Triodos.
« C’est une histoire très forte, qui nous a tout de suite parlé », indique Isabelle Huens, Relationship Manager à la Banque Triodos. « Permettre à des personnes avec un handicap de vivre de manière autonome, dans un cadre familial rassurant, et faire en sorte qu’elles ne soient pas à la merci du marché locatif, cela fait clairement partie de nos missions ».
Pourquoi Monique et Luc se sont-ils tournés vers la Banque Triodos ? « Nous nous sommes d’abord adressés à notre banque de l’époque », raconte Luc. « Nos finances étaient saines, mais le projet leur a fait peur. Sur leur conseil, nous avons alors contacté la Banque Triodos. Cela s’est super bien passé, ils ont tout de suite compris le projet. »
« Allez hop, on y va ! »
« Nous avons cru en ce projet, notamment en raison de sa dimension collective », explique Isabelle Huens. « Nous avons anticipé que plusieurs membres de la famille allaient avoir un emploi dans les prochaines années. Et avec des liens familiaux aussi forts, nous étions certains qu’ils pourraient compter les uns sur les autres en cas de difficulté, ou lorsque les parents ne seront plus en mesure d’assurer leur rôle. »
La valeur culturelle du bien a aussi joué. « C’est un endroit magnifique, chargé d’histoire, et les rénovations effectuées sont de qualité. Assez vite, on s’est dit : ‘Allez hop, on y va !’ », se souvient Isabelle. « C’est la force de Triodos que de pouvoir aborder ce type de dossier de façon individualisée, en regardant au-delà des données purement financières. »
En 2024, sept ans après l’achat, Monique et Luc ont à nouveau fait appel à la Banque Triodos, pour la division des lots, en vue de pérenniser l’habitation des différents partenaires du projet. Cela permettra d’éviter l’indivision pour les habitations des enfants de Luc et Monique qui sont propriétaires d’une partie des bâtiments. Ainsi, chacun est sécurisé dans la propriété de son propre logement. Une solution concrète à un risque réel et récurrent.
« Cette nouvelle étape, c’est la preuve que cela fonctionne », sourit Isabelle.
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