En premier lieu, il ne faut pas mettre toutes les grandes entreprises dans le même panier, précise Arjan Palthe, gestionnaire de fonds chez Triodos Investment Management (Triodos IM). « Nous finançons le changement positif, c’est notre core business. C’est pourquoi nous plaçons l’argent de nos clients dans des entreprises qui génèrent un impact positif dans le monde. Et il existe bel et bien des sociétés cotées en bourse qui répondent à ce critère ». 

C’est par exemple le cas d’OrthoPediatrics, qui fabrique des implants adaptés aux enfants. Ou d’Euglena, qui produit des denrées alimentaires, des produits de soin et du biocarburant à partir d’une microalgue. 

Arjan Palthe, fondsbeheerder bij Triodos Investment Management.
Arjan Palthe, gestionnaire de fonds chez Triodos Investment Management.

La crème de la crème 

En tant qu’investisseur, lorsqu’on souhaite contribuer à un changement positif, on ne peut pas faire l’impasse sur les entreprises cotées en bourse, explique Arjan Palthe : « Ces entreprises sont gigantesques, ont énormément d’influence sur le comportement des consommateurs et drainent une grande quantité d’argent... Et ce sont précisément elles que nous devons faire bouger pour véritablement accélérer les transitions. Nous voulons donc contribuer à cette mise en mouvement ». 

Pour le faire le mieux possible, les analystes de Triodos IM recherchent la crème de la crème. Sur les quelque 5.000 grandes entreprises cotées en bourse dans l’UE, aux USA et au Japon, la liste retenue n’en compte qu’environ 230. Elles sont actives dans un des cinq thèmes de transition que la Banque Triodos estime importants et dans lesquels elle veut faire travailler l’argent.

Comment Triodos IM sélectionne les entreprises ? 

Dans cette longue liste, l’équipe d’Arjan Palthe effectue ensuite une sélection. Étape n° 1 du processus : examiner l’approche positive d’une entreprise. « Notre raison d’être, c’est de financer le changement positif  », rappelle Arjan Palthe. « C’est pourquoi nous scrutons attentivement les entreprises actives dans nos thèmes de transition. Ensuite, nous procédons à l’analyse de leur chiffre d’affaires pour vérifier la proportion consacrée à des actions positives dans l’un des cinq thèmes ». À titre d’exemple, la société Enphase, qui fabrique des onduleurs indispensables à l’utilisation de l’énergie photovoltaïque, obtient un score de 100 pour cent à l’analyse d’impact : l’intégralité de son chiffre d’affaires est générée par des activités ayant un impact positif au niveau du thème énergie. 

L’étape n° 2 du processus de sélection consiste à évaluer les entreprises à l’aune des critères minimums de la Banque Triodos. En effet, il y a une série de secteurs, de thèmes et de produits que la Banque Triodos exclut d’emblée. C’est notamment le cas de la production ou du commerce de tabac, d’armes ou d’énergies fossiles. Ou encore des entreprises qui ne respectent pas le bien-être animal ou violent les droits humains. Lorsqu’une entreprise ne satisfait pas aux critères minimum de la Banque Triodos, elle est exclue des projets d’investissement. 

Les analystes de Triodos IM passent ensuite au crible les rapports annuels, rapports de durabilité et autres données relatives à l’environnement, à la société et à la gouvernance des entreprises ayant réussi les deux premières étapes. Au niveau de la gouvernance, ils vérifient par exemple l’indépendance du conseil d’administration et les rémunérations des cadres supérieurs. Les analystes examinent en outre si l’entreprise a été mise en cause, par exemple, pour exploitation de son personnel et, le cas échéant, étudient le sérieux et la gravité de ces accusations ainsi que la manière dont l’entreprise y a réagi. 

Ce n’est qu’au terme de toutes ces étapes que la Banque procède à une analyse financière classique telle que celle souvent effectuée en premier lieu par de nombreux investisseurs. Quelle est la situation financière de l’entreprise ? Quelles sont ses perspectives de croissance ? Et les risques financiers sont-ils élevés ? 

Un interlocuteur sérieux 

« Nous misons sur des relations étroites et à long terme avec les entreprises dans lesquelles nous investissons, et nous veillons à notre équilibre entre impact positif et sécurité financière. » La conséquence de ce choix est un portefeuille concentré, ce qui permet à l’équipe d’Arjan Palthe d’en suivre de près l’évolution. « Nous avons en moyenne deux contacts par an avec le conseil d’administration de ‘nos’ entreprises pour discuter des progrès accomplis. Nous passons en revue non seulement les aspects financiers, mais aussi ce qu’elles font pour augmenter leur durabilité, réduire leurs émissions de CO2 ou (par exemple) réduire l’utilisation de produits chimiques nocifs. 

Étant donné que nous nous lions à long terme à un nombre restreint d’entreprises, nous apprenons à bien les connaître, nous construisons une véritable relation et sommes considérés comme des interlocuteurs sérieux lors des discussions », explique Arjan Palthe. Cela contraste fortement avec les pratiques de nombreux autres investisseurs, qui achètent par exemple des actions faisant partie d’un lot assorti d’un indice. Ces investisseurs, qu’on qualifie de « passifs », ne se soucient aucunement des critères de durabilité des entreprises dans lesquels ils placent leur argent.   

Sebastian Rojas Gualdron-Welle, investeringsanalist bij Triodos Investment Management.
Sebastian Rojas Gualdron-Welle, analyste investissements chez Triodos Investment Management.

Aide à la durabilisation 

Triodos IM, en revanche, est un investisseur actif qui maintient de différentes manières le contact avec les entreprises qui entrent dans son portefeuille. Ce contact entre investisseur et entreprise est ce qu’on appelle régulièrement l’engagement. Il vise deux objectifs importants, précise Sebastian Rojas Gualdron-Welle, analyste investissements chez Triodos IM : « Primo, c’est une manière de recueillir des informations et de prendre le pouls d’une entreprise. Quel est le fonctionnement de l’entreprise en question ? Quels choix fait-elle, tant au niveau financier que sur le plan de la durabilité ? Sur la base de ces informations, nous décidons si nous y maintenons notre investissement ». 

« Et secundo, l’engagement est une façon de faire bouger les entreprises, de mettre certains thèmes à l’ordre du jour et d’aborder des points précis, poursuit-il. Pour nous, c’est un moyen d’aider les entreprises à se durabiliser et à avancer dans la bonne direction ». 

4 formes d’engagement

Il existe différentes façons de s’engager. Sebastian Rojas Gualdron-Welle : « En premier lieu, il y a les contacts en face à face avec les entreprises. Nous les informons de notre souhait d’être impliqués dans leur fonctionnement et, dans la plupart des cas, elles sont réceptives à notre demande. Ce contact nous permet d’entamer la discussion et de mettre en évidence certains thèmes. Ensuite, nous participons aux assemblées générales des actionnaires et utilisons notre droit de vote pour influencer la politique menée par l’entreprise ». 

Parfois, Triodos IM s’associe à d’autres investisseurs pour mettre en mouvement les entreprises cotées en bourse. Par exemple pour obtenir des salaires décents dans l’industrie de l’habillement. 

Pour ce secteur, Triodos Bank a collaboré avec deux autres banques pour créer la Platform Living Wage Financials, qui compte entre-temps 19 investisseurs parmi ses affiliés. Ensemble, ils gèrent pas moins de 6,5 milliards d’euros. Arjan Palthe : « Les collaborations de ce genre sont couronnées de succès. Citons pour exemple les mesures prises par trois grandes entreprises chimiques pour éliminer progressivement l’utilisation de produits chimiques nocifs. Nous avons abordé ce sujet avec elles en collaboration avec d’autres investisseurs ». 

Unir nos forces à celles d’autres investisseurs nous permet en effet parfois d’avoir plus d’impact, affirme Sebastian Rojas Gualdron-Welle : « Plus nous représentons de parts, plus notre voix a du poids. C’est aussi simple que cela ».  

Une quatrième manière pour Triodos IM de concrétiser l’engagement passe par des projets spécifiques. « Nous choisissons un thème précis et regardons quelles entreprises de notre portefeuille ont encore des progrès à accomplir dans ce domaine. Nous entamons ensuite des parcours au sein de ces entreprises pour mettre le problème en évidence et montrer comment faire différemment ». 

« Nous l’avons par exemple fait récemment à propos des structures de rémunération du management de certaines entreprises. Dans les sociétés où les rémunérations étaient excessives, nous avons pointé le problème. Nous effectuons ensuite des contrôles pour vérifier les améliorations apportées dans ce domaine. Et lorsque rien ne change, nous envisageons un désinvestissement ».