Commençons par nous pencher sur ce qu’un dialogue permet concrètement d’obtenir. Un des sujets que les analystes de Triodos IM abordent avec les entreprises dans lesquelles ils et elles investissent est l’écart des rémunérations au sein de l’entreprise en général et, en particulier, la rémunération excessive accordée aux P.-D.G.
Les scores s’améliorent
Au cours des trois dernières années, les analystes de Triodos ont abordé ce thème à plusieurs reprises chez Adobe, par exemple, entreprise réputée pour ses logiciels tels que PhotoShop et le lecteur de fichiers PDF. Et le constat, c’est que les choses ont progressé. La principale amélioration : l’entreprise a désormais adopté des critères écologiques, sociaux et de bonne gouvernance dans son plan à court terme de motivation du personnel. Et cela peut inciter les managers à atteindre des objectifs en matière de durabilité.
Ceci étant, il reste de la marge de progression chez Adobe, qui pourrait encore améliorer ses résultats en termes de critères ESG. L’entreprise a toutefois gagné un point sur le tableau des scores des analystes Triodos (passant de 5,1 à 6,1), de sorte qu’elle peut rester dans le portefeuille.
Du CO2 au bien-être animal
Les entreprises vont-elles adapter leurs pratiques uniquement parce qu’un petit actionnaire tel que Triodos IM les y incite ? C’est très improbable. Cependant, cette implication active contribue à faire évoluer la société dans ce sens. Triodos IM, qui n’est en réalité pas le seul actionnaire à se soucier de cet aspect, conclut parfois des alliances. C’est par exemple le cas dans le cadre des efforts visant à bannir les produits chimiques nocifs et à instaurer des salaires décents dans l’industrie de la mode.
Au-delà des rémunérations, les analystes discutent aussi de la réduction des émissions de CO2 et de l’utilisation du plastique. Les énergies renouvelables et la biodiversité sont également des sujets importants. Henk Jonker, responsable Recherche chez Triodos IM : « De nombreux thèmes émergent également de ce qui se passe au sein des entreprises présentes dans nos portefeuilles. Par ailleurs, nos propres convictions jouent elles aussi un rôle crucial. Le bien-être animal, par exemple, est à nos yeux un sujet important qui n’est que rarement une priorité des autres investisseurs. Nous œuvrons donc de manière indépendante dans ce domaine. Pour les autres thèmes, nous tentons de collaborer avec des investisseurs qui partagent notre vision ».
Investir n’est pas une fin en soi
Si les analystes mettent autant d’énergie dans ce qu’ils font, c’est parce que, pour Triodos, investir n’est pas une fin en soi. Frédéric Andres, chargé de relation à la Banque Triodos, précise : « Notre rôle ne se limite pas à être actifs dans l’univers des placements : nous sommes aussi là pour avoir un impact. En soi, notre approche est la même que pour l’octroi de crédits : nous appliquons les mêmes normes minimales et excluons les mêmes secteurs de nos financements. Seules les entreprises qui contribuent à la transition vers une société durable entrent en ligne de compte pour un financement ».
Quand l’objectif est d’atteindre un impact maximal, on a besoin de beaucoup plus d’informations que ce qui est disponible sur le marché. Frédéric Andres : « Il existe des fournisseurs de données qui octroient aux entreprises cotées en bourse un score évaluant les efforts consentis pour atteindre une série de critères écologiques, sociaux et de gouvernance (ESG) ; ce score est ensuite utilisé par les institutions financières pour sélectionner les entreprises dans lesquelles elles vont investir. Toutefois, chez Triodos, un simple score ne nous suffit pas. C’est pourquoi Triodos IM dispose d’une équipe interne chargée d’effectuer des analyses de durabilité approfondies, qui tiennent notamment compte du potentiel en matière d’impact dans le futur ».
Sans dialogue, pas d’investissement
Le dialogue débute au moment où nous envisageons d’investir dans une entreprise, explique Rosl Veltmeijer, Portfolio Manager. « Avant d’investir dans une entreprise, nous avons besoin de la comprendre. C’est pourquoi nous passons les entreprises au crible et entamons un dialogue avec leur management. Celui-ci n’est pas seulement un moyen d’évaluer la politique d’une entreprise, mais fait partie intégrante de notre processus de sélection. »
« Nous devons vérifier si une entreprise est prête à fournir les informations et la transparence requises, tant lors du dialogue qu’ultérieurement. Si ce n’est pas le cas, nous nous abstenons d’investir », ajoute Henk Jonker.
Grande consommation d’eau, mais impact positif élevé
S’engager est chronophage. Amener les entreprises à mettre le cap sur plus de durabilité peut prendre plusieurs années. Parfois, la réussite est au rendez-vous et, parfois, c’est l’échec. Rosl Veltmeijer détaille le processus : « Il est important de poser des questions qui sont pertinentes pour l’entreprise. Il est toujours utile de pouvoir partager des idées et des bonnes pratiques dont l’entreprise ne dispose pas en interne », estime Rosl Veltmeijer.
D’après Henk Jonker, l’engagement permet d’atteindre des résultats plus rapidement au sein des petites et moyennes entreprises. « Grâce à nos critères de sélection très stricts, Triodos IM investit déjà dans des entreprises très durables, où il n’est pas aussi indispensable d’opérer de grands changements. Toutefois, il peut arriver que même ces entreprises exercent des activités qui s’écartent de nos principes fondamentaux. Par exemple, nous investissons dans une entreprise japonaise qui fabrique une microalgue extrêmement riche en nutriments. Elle est légalement obligée de tester ses produits sur des animaux, ce qui va à l’encontre de notre position en matière d’expérimentation animale et de bien-être animal. Et c’est là qu’on entame la discussion ». Ce dialogue a abouti à un rapport annuel où l’entreprise expliquait sa politique et ses plans en la matière. « C’est un pas dans la bonne direction, mais notre objectif ultime est de mettre un terme aux expérimentations animales, insiste Henk Jonker. La question reste donc ouverte ».
Pour terminer, il cite également l’exemple d’entreprises spécialisées dans le traitement de l’eau. Sur le papier, leur consommation d’eau est très élevée vu qu’elles purifient les eaux souillées, mais leur impact est en réalité positif. Comme les fournisseurs de données ESG ne tiennent pas compte de cet impact, ces entreprises obtiennent des scores ESG très faibles, sans même s’en rendre compte. Henk Jonker : « À notre initiative et celle d’autres investisseurs, ces entreprises collaborent à présent pour améliorer les méthodes d’élaboration des rapports. Dans un secteur d’investissement de plus en plus focalisé sur les données, c’est essentiel ! »
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