De nombreux gestionnaires d'actifs commencent la sélection des
entreprises, qu’elles placent dans leurs portefeuilles, par des critères financiers ou par l'exclusion de secteurs ou d'entreprises sur la base d’une poignée d’indicateurs de performance durable. « Notre approche est très différente et s’effectue en plusieurs étapes », explique Caithlin Marugg, analyste en placements chez Triodos Investment Management (Triodos IM).
1. L’évaluation de l’impact positif de l’entreprise
Caithlin Marugg : « nous examinons, en premier lieu, l'impact positif d'une entreprise et évaluons la manière dont elle contribue à résoudre les grands problèmes sociaux et environnementaux de notre époque. En adoptant d'abord un point de vue positif, nous excluons immédiatement les entreprises qui n'ont pas de vision durable, ou génèrent une contribution nette négative. Ensuite, nous analysons cet impact de la manière la plus large possible. Depuis la chaîne d’approvisionnement jusqu’aux produits et services fournis par l'entreprise. » Cette analyse approfondie permet de déterminer si la durabilité fait partie intégrante du modèle d'entreprise ou s’apparente plutôt à de l’écoblanchiment ("greenwashing").
Arjan Palthe, gestionnaire de fonds chez Triodos IM, cite volontiers en exemple le groupe papetier Smurfit Kappa. « Le carton est un substitut important du plastique. Mais sa fabrication nécessite énormément d’énergie. Il est, par ailleurs, impossible de recycler le carton plus de sept fois. C'est pourquoi nous nous intéressons à la manière dont il est produit. » Chez Smurfit Kappa, 75 % des matières premières utilisées proviennent de fibres recyclées. L’entreprise est ainsi pionnière dans le domaine de l’économie circulaire : l’un des sept thèmes prioritaires, retenus par la Banque Triodos, dans le cadre du processus de transition.
2. Le respect d’exigences minimales internes
Dans un deuxième temps, les entreprises doivent satisfaire aux exigences minimales définies par Triodos IM sur le plan social, environnemental et de la gouvernance (critères ESG). Ces exigences définissent clairement les produits, les processus et les activités dans lesquels la Banque Triodos et Triodos IM ne veulent pas être impliqués.
Les exigences minimales sont donc appliquées comme des critères d’exclusion. Avec une tolérance zéro pour certaines activités intrinsèquement non durables (telles que l’armement, l’énergie nucléaire ou les minéraux de conflit). Et des seuils de revenus maximaux pour d’autres (par exemple, la production et la commercialisation de produits alcoolisés, de tabac ou encore le fourrure et de cuirs spéciaux). Lors de la dernière révision des exigences minimales en 2022, l’exploitation de l’amiante et l’exploitation minière en eaux profondes, se sont par exemples ajoutées aux activités controversées conduisant à une exclusion.
Triodos IM surveille en permanence l’alignement des entreprises dans lesquelles elle a investi par rapport à ses exigences minimales. Il s’agit donc d’un processus continu. Au cours de l'année 2022, elle a notamment exclu la société Adecco de son portefeuille. En raison de la violation d’une de ses exigences minimales : la fourniture de services sur mesure et essentiels au fonctionnement des armes (seuil toléré de 0 %). Acquise à 100 % par Adecco, Akka Technologies fournit en effet des services d'ingénierie et d'essai, à l'appui du système avionique des missiles balistiques M51 lancés par des sous-marins. En réponse aux questions de Triodos, Adecco a expliqué qu'elle ne renouvellerait pas le contrat de sa filiale, mais que cela prendrait plusieurs années. Adecco a, en conséquence, été rayée de la liste des investissements éligibles.
Les entreprises ayant franchi ces deux caps successifs sont soumises à une analyse financière.
Tenir compte des évolutions sociétales
L’univers d’investissement à impact de Triodos IM n’est pas figé. Car il tient compte en permanence des évolutions sociétales et des innovations technologiques. L’un des grands questionnements actuels concerne la croissance fulgurante de l’intelligence artificielle (IA). Quels sont les secteurs qui, demain, seront les plus touchés par l'essor de l’IA ?
Cette question est également pertinente pour les investisseurs durables, estime Caithlin Marugg. « Nous analysons les opportunités générées par l’IA, mais aussi les conséquences négatives possibles, notamment au niveau de l'emploi.
La création et l'utilisation de modèles d'IA nécessitent, par ailleurs, d'énormes quantités d'électricité et d'eau pour le refroidissement des centres de données. L’impact est donc à la fois social et climatique. »
« Face à de tels enjeux, la connaissance parfaite des entreprises faisant partie de nos portefeuilles et les rencontres périodiques avec leurs dirigeants sont des éléments essentiels », conclut Arjan Palthe. Une valeur ajoutée importante aux yeux des investisseurs qui font confiance à Triodos IM.
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