Le retour des Communs
Depuis plusieurs décennies, le droit belge s’est consolidé autour de la notion de propriété privée. Ce concept est devenu tellement hégémonique qu’il nous est devenu difficile, voire impossible, de penser en d’autres termes.
Pourtant, la propriété privée n’a pas toujours été la seule forme de propriété. Au Royaume-Uni, par exemple, jusqu’au XVIIè siècle, des espaces et des ressources étaient “communes” : elles n’appartenaient à personne en particulier, servaient à tout le monde et étaient gérées de façon collective. C’étaient les fameux Communs.
Aujourd’hui, on peut se demander si la propriété privée est toujours la seule forme possible, pertinente et souhaitable pour encadrer notre rapport aux biens et aux ressources. C’est d’autant plus parlant lorsqu’on s’intéresse, par exemple, à la gestion de ressources nécessaires à tous, telles que l’eau, l’air ou la terre. Ces ressources sont-elles des biens communs qui doivent faire l’objet d’une gestion collective ou doivent-elles être privatisées et régulées suivant les règles économiques en vigueur ? Voilà deux approches qui s’affrontent aujourd’hui dans bien des domaines mis sous pression en raison de la crise environnementale et des enjeux que cela fait peser sur l’eau potable, la qualité de l’air, l’accès à la terre, etc.
À l’échelle de l’habitat groupé
À une échelle palpable, celle du logement, des expériences concrètes sont mises en place par des collectifs qui souhaitent développer un modèle alternatif à celui de la simple propriété privée : il s’agit de l’habitat groupé.
L’habitat groupé désigne la constitution d’un ensemble qui comprend des logements et parfois d’autres fonctions (comme des ateliers, des salles de fête, des locaux techniques, etc.). Il peut être de petite ou de grande taille, rural ou urbain, au sein d’une construction neuve ou dans un bâtiment existant. Tandis que chacun dispose d’espaces privatifs, ce qui est commun à tous les habitats groupés, c’est le partage d’un certain nombre d’espaces collectifs et la gestion commune de ces lieux selon des modèles de gouvernance qui, eux aussi, varient fortement d’un projet à l’autre, allant de la hiérarchie classique à la mise en place d’une véritable sociocratie.
Sur le plan juridique, il n’est pas toujours simple de structurer ces ensembles qui varient d’un groupe et d’un lieu à l’autre. En particulier dans une société où le droit repose entièrement sur la notion de propriété privée. Mais, depuis de nombreuses années, la Banque Triodos s’est fait le laboratoire de ces questions et a contribué à la mise en place de modèles juridiques inédits pour que puisse exister une alternative au logement régi par la seule propriété privée et par les lois du marché.
De la copropriété au Community Land Trust
En Belgique, aucune forme juridique n’est totalement adaptée à l’habitat groupé. Il faut donc jongler avec les formes existantes, en fonction du projet et du terrain. Pour cet exercice, nous disposons de cinq formes juridiques : la copropriété (pour se partager le bâti), l’asbl et/ou la coopérative (pour la gestion d’activités ou comme coopérative de locataires), la fondation et le Community Land Trust (pour encadrer la propriété du foncier).
L'asbl Habitat et participation réalise un important travail d’information à destination du public. Notamment en matière juridique. N’hésitez pas à visiter leur site.
Passons en revue deux modèles assez caractéristiques : la copropriété et le Community Land Trust (CLT).
La copropriété n’est pas propre aux habitats groupés même si de nombreux projets y ont recours. Le principe est d’organiser la division entre ce qui relève de la propriété privée individuelle et de la copropriété des espaces partagés, et ceci de façon quantifiée. On reste ici dans une approche plutôt individualiste sur le plan juridique et les possibilités de sortir de la structure sont simples et inscrites dans la loi. Dans une optique de partage et de mise en commun, l’on peut se demander si le poids décisionnel de chacun dépendra de son poids financier (la surface de chaque bien et ses millièmes), si une plus-value importante peut être réalisée par l’un des copropriétaires en cas de revente, si les copropriétaires peuvent intervenir dans le choix du nouvel acheteur ou encore comment sont réparties les parties communes, et tous les travaux et l’entretient y afférent. Autant de questions légitimes, mais qui ne permettent pas de réponses alternatives à ce que la loi prescrit.
À l’autre pôle du spectre juridique, on trouve le Community Land Trust (CLT). Ce modèle se veut clairement engagé dans une alternative au modèle économique dominant et remet à l’avant plan la notion de Commun. Un CLT peut s’appuyer sur différentes structures juridiques (fondation, asbl, coopérative).
Il se base sur plusieurs principes dont les deux suivants proposent une véritable alternative à la propriété privée :
- Le sol est un bien commun : la propriété de la terre est donc dissociée de celle des briques. Les habitants peuvent individuellement devenir propriétaires de leurs murs mais le sol restera dans les mains d’une fondation qui en assurera l’utilité collective et l’accessibilité.
- Le logement est un droit et doit le rester : dans le cas d’un CLT, pas question de revendre son logement dans une perspective spéculative et de participer ainsi à la montée des prix de l’immobilier. S’il existe une plus-value, elle sera captée par la fondation, pour garantir que les prix d’accès à la propriété restent à la portée du plus grand nombre.
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Bien s’entourer
Développer un projet d’habitat groupé et vouloir rêver les yeux ouverts à des façons d’habiter alternatives, cela passe inévitablement aussi par des questions juridiques et financières.
Des associations et des notaires spécialisés dans ces questions seront d’importantes ressources. A la Banque Triodos, nous avons développé une expérience probante de ce type de projets. Nous ne privilégions pas une structure juridique par rapport à une autre mais nous sommes à la disposition de toute personne qui porte un tel projet et ceci, dès les premières phases. Et, quand c’est nécessaire, nos juristes ne rechignent pas à chercher des solutions juridiques créatives pour faire progresser les projets d’habitation qui se veulent plus inclusifs et plus durables.
Article rédigé avec la collaboration du département juridique de la Banque Triodos Belgique
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