L'Espagne est le quatrième pays d'Europe, après l'Estonie, la Finlande et la Lettonie, à avoir le plus grand nombre de municipalités menacées d’exode rural, avec 42,2 % de ses villes et villages concernés. Cette situation est désignée par l'expression « Espagne vide ».
Les causes de ce phénomène sont variées, mais elles peuvent être classées en deux grandes catégories : culturelles et démographiques. Dans les zones rurales, le nombre de naissances a chuté tandis que le nombre de décès a explosé, en raison du vieillissement de la population qui y vivent.
Cantero de Letur est une entreprise familiale de deuxième génération qui opère à Letur, un village d'environ 900 habitants de la province d'Albacete en Castille-La Manche. Son fondateur, Francisco Cuervo, était convaincu que son entreprise pouvait contribuer au développement de cette zone rurale défavorisée et ceci, de nombreuses façons, mais surtout par la création d'emplois. Cette valeur sociale se combine parfaitement avec les principes environnementaux de l'entreprise. Son principal domaine d'activité est la production de produits laitiers biologiques. Le respect de la terre et le bien-être animal figurent au premier plan de sa chaîne de production, et tous ces produits sont certifiés par son label écologique.
L'entreprise fait confiance à la Banque Triodos pour ses besoins financiers et opérationnels. Mais sa relation avec la banque va encore plus loin : l'entreprise a été finaliste de la 7e édition du Triodos Bank Award. Nous nous sommes entretenus avec Pablo Cuervo, le directeur de l'entreprise. Il nous livre ici ses réflexions.
Quel est votre objectif principal ?
Au départ, les activités de l'entreprise étaient axées sur le développement d'une zone défavorisée comme la Sierra del Segura. Mon père a commencé avec ce même objectif il y a une trentaine d'années et je pense que nous l'avons atteint. Lorsqu'il s'est lancé dans cette activité, il avait une idée précise de l'entreprise : il souhaitait stimuler directement le développement d'une zone défavorisée comme la Sierra del Segura. C'était il y a 30 ans. Aujourd'hui, quand je regarde autour de moi, je pense que nous y parvenons.
Qu'est-ce qui vous différencie des autres entreprises du secteur ?
Principalement, le respect de l'environnement. Mais pas seulement. Nous sommes nés « verts » ! Nous n'avons pas créé une ligne de produits juste pour sauter sur l’occasion. Nous avons commencé avec cette conscience environnementale, et cela nous donne une certaine authenticité.
Nous sommes la seule entreprise à travailler avec les trois types de lait : brebis, chèvre et vache. En outre, nous matérialisons nos valeurs sociales en reversant une part importante de nos bénéfices, soit 10%, à de petites ONG.
Il y a aussi notre engagement par rapport à la technologie, même si, bien sûr, nous ne sommes pas les seuls à le faire. En Espagne, les entreprises biologiques ressemblaient autrefois davantage à de petites entreprises artisanales. Pour répondre à la demande du marché, d'importants investissements dans la modernisation étaient nécessaires. La technologie n’est pas forcément incompatible avec l'écologie.
Pourquoi votre travail est-il important ?
Je conserve l’aspect local. L'activité que nous générons est particulièrement importante pour notre région. C'est le développement rural intégré. De nombreux jeunes sont restés ici pour travailler. Plus de cent travailleurs dans une petite ville de 900 habitants seulement, c'est un pourcentage très important. Maintenant, il y a de l'élevage biologique dans la région, ce qui n'était pas le cas auparavant. Letur et sa région sont passés de l'absence d'élevage laitier à l'un des principaux producteurs de lait de chèvre biologique du pays.
Quelles sont vos plus grandes réussites et quels sont les défis que vous devez relever ?
En ce qui concerne les réussites, je soulignerais notre marketing - notre capacité à atteindre le marché et à gagner la confiance de nos client·e·s dans notre marque et nos produits. Cela a toujours été le cas depuis le début. En termes de défis, nous en avons rencontré quelques-uns très récents et intenses. Principalement, la crise de la chaîne d'approvisionnement et la hausse du coût des matières premières.
Quelle était la motivation de Francisco Cuervo pour créer Cantero de Letur ?
Développer la zone rurale où nous sommes situés, tout en respectant l'environnement, les personnes et les animaux.
Quel impact à long terme souhaitez-vous avoir ?
Le même impact que celui que nous avons aujourd'hui. Nous voulons continuer dans cette voie, car nous sommes déjà satisfaits du présent. Mais je ne suis pas du genre à me satisfaire de ce que nous sommes déjà : nous voulons avoir encore plus d’impact et nous savons que c'est possible. Toutefois, nous devons avancer à un rythme prudent et durable. Nous n'aimons pas la croissance non contrôlée. Nous avons reçu des propositions impliquant des prises de participation et même des offres de grandes entreprises pour ajouter une ligne de produits verts à leur offre, mais nous préférons rester indépendants et préserver notre mission.
Comment le financement de la Banque Triodos a-t-il soutenu l'expansion de l'entreprise ?
Plus précisément, le financement nous a aidés à construire notre bergerie. Il s'agit de la plus grande ferme biologique d'Espagne, avec 3 000 têtes dans un espace suffisamment grand pour qu'elles puissent y vivre confortablement. Le budget de cette installation est de 5 millions d'euros et nous avons pu l'entreprendre grâce au financement de la Banque Triodos, à nos fonds propres et au crowdfunding de personnes proches de nous, notamment nos partenaires et proches collaborateurs.
Quels conseils donneriez-vous à une personne qui souhaite entreprendre ?
Continuer à avancer, c'est le plus important. Or, vous devez également offrir quelque chose que le marché désire. Il existe de nombreuses idées bonnes et intéressantes, mais si les consommateurs·rices ne réagissent pas, elles ne fonctionneront pas.
Enfin, pouvez-vous nous parler de la situation actuelle de l'Espagne rurale ?
En réalité, la définition du problème de « l'Espagne vide » est simple : le manque d'opportunités fait que les gens doivent partir. Il n'y a pas assez de travail dans les zones rurales. En Castille-La Manche, il existe une loi contre le dépeuplement qui prévoit des incitants fiscaux. Son développement économique reste la clé. En outre, les gens doivent comprendre que lorsqu’il y a du travail, la qualité de vie est élevée dans les petites villes.
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