L’ambition est de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’ensemble des crédits et des investissements de Triodos.
Les émissions restantes seront équilibrées ou « compensées » en investissant massivement dans des projets environnementaux capables d’éliminer les GES de l’atmosphère. Pourquoi prendre un engagement aussi ambitieux ? « Tout simplement parce que l’urgence climatique ne laisse plus le choix » résume Jacco Minnaar : Chief Commercial Officer (COO) de la Banque Triodos. Si l’objectif est clair, la trajectoire reste à préciser. État des lieux.
Selon la communauté scientifique, les émissions de CO2 causées par les activités humaines doivent être réduites de 50 % à l’horizon 2030, et atteindre le « zéro net » vers 2050, si on veut limiter le réchauffement à 1,5°C. Et éviter les impacts les plus douloureux du changement climatique. La décennie actuelle sera donc décisive.
Nous ne pouvons plus nous contenter d’objectifs lointains. « Le temps presse et sans action forte et rapide, les objectifs climatiques de Paris deviennent irréalisables.
« Soyons honnêtes, ce ne sera pas facile, même pour une banque qui a toujours placé la durabilité au cœur de ses activités », prévient Jeroen Rijpkema - CEO de la banque, « mais nous avons absolument besoin d’objectifs ambitieux et d’actions rapides ».
Triodos a adopté l’objectif « As One To Zero » pour 100 % de ses activités. Tant pour ses crédits que ses fonds d’investissement. Et sans renoncer à ses ambitions en matière d’inclusion sociale ou de biodiversité.
Zéro comme « 0 » ?
Le « net-zero » (« zéro net » en français) est un objectif fondé scientifiquement selon les standards de l’ONG internationale Science Based Targets Initiative (SBTi).
Le « zéro net » signifie que les émissions totales de gaz à effet de serre (GES, principalement CO2) d’une organisation sont égales ou inférieures au volume de carbone qu’elle retire de manière permanente de l’atmosphère.
De plus, ces objectifs doivent être alignés sur l’objectif de Paris de 1,5°C. Quelque 2.500 entreprises et institutions financières à travers le monde ont rejoint l’initiative. À ce jour 1.300 d’entre elles, dont 9 institutions financières, ont des objectifs validés.
La première étape est le calcul des GES émis. Pas simple. Car cela concerne non seulement les émissions directes liées à la combustion d’énergies fossiles (gaz ou fuel des chaudières, machines et véhicules) mais aussi les émissions indirectes, dues à la production de l’électricité achetée auprès de fournisseurs, et les GES émis sur toute la chaîne de valeur et d’approvisionnement, en aval et en amont de l’entreprise (respectivement : « portées » ou « scopes » 1, 2 et 3 dans le schéma ci-dessous).
Le défi est énorme pour l’ensemble de l’économie. Pour le secteur bancaire et financier, il s’agira de réduire ses émissions de « portées 3 », en aval des flux financiers de ses prêts et investissements.
Mesurer pour progresser
Avant de pouvoir fixer des objectifs, pour décarboner son portefeuille et prendre des décisions en la matière, une institution financière doit connaître l’empreinte carbone de ses prêts et investissements. Triodos en a pris l’initiative dès 2016, peu après l’Accord de Paris, en participant à la création du Partnership for Carbon Accounting Financials (PCAF) avec d’autres acteurs financiers. Le PCAF a établi des standards reconnus mondialement pour le calcul de l’empreinte carbone des prêts et investissements.
Pour bien comprendre les enjeux et mesurer les impacts, il est essentiel de distinguer différentes notions :
- Émissions générées : émissions de GES provenant des activités économiques financées. Il s'agit du carbone qui est libéré dans l'atmosphère
- Émissions séquestrées ou absorbées : émissions de GES stockées dans des puits de carbone tels que les arbres, les plantes, le sol, etc. Dans ce cas, il y a élimination effective du carbone de l'atmosphère. Grâce aux projets de sylviculture et de développement de la nature que nous finançons.
- Émissions évitées : émissions de GES qui auraient résulté de la production d'énergie à partir de combustibles fossiles et ont été évitées grâce aux énergies renouvelables que nous finançons. Bien que les émissions évitées jouent un rôle positif très important, elles n'éliminent pas le carbone stocké dans l'atmosphère. C’est pourquoi nous présentons ce type d’émissions dans nos graphiques et tableaux en dessous des émissions réelles.
Même si les émissions de notre portefeuille de crédits et d’investissements sont relativement basses, par rapport à celles d’autres institutions financières, l’analyse PCAF permet d’identifier les secteurs à émissions élevées. Ces derniers nécessitent la mise en œuvre de plans performants de réduction d’émissions.
La route vers le « zéro net »
En matière d’investissement, des premiers jalons ont été posés, notamment la prise en compte de l’approche SBTi dans les discussions avec les sociétés. « Nous devons réduire drastiquement l’intensité carbone de nos investissements », explique Hans Stegeman, Chief Strategist pour Triodos Investment Management. « On ne parle pas ici de zéro absolu. Notre objectif est d’augmenter notre capacité pour concilier croissance et réduction des émissions de CO2 ». Un groupe de travail analyse actuellement les fonds Triodos.
Pour les crédits bancaires, les choses se présentent différemment. Eva Wirtz, directrice Business Banking pour Triodos Belgique : « lorsque nous mesurons, à travers la méthodologie PCAF, les émissions de CO2 de nos clients, nous constatons que la majeure partie des émissions provient de l’énergie consommée par les bâtiments de nos clients crédits. Il ne s’agit pas des crédits que nous avons octroyés pour financer la construction de nouveaux immeubles résidentiels (aussi bien au niveau des crédits hypothécaires que des crédits aux entreprises), puisque ceux-ci sont par essence des crédits dont la finalité est l’amélioration de la performance énergétique, ou correspondant aux meilleures normes énergétiques, mais plutôt d’immeubles financés par la banque pour des organisations dont l’activité principale concerne la santé, la culture, l’alimentation ou l’éducation, et pas l’immobilier. Le véritable enjeu est de convaincre ces organisations de s’engager avec nous sur le chemin du « zéro net ». En les encourageant à mesurer leur performance énergétique tout en les accompagnant dans leurs investissements pour réduire leurs émissions. » Eva Wirtz se veut confiante : « le fait que nous partageons les mêmes valeurs et préoccupations, dont celle de la durabilité, devrait nous permettre de mener à bien cette entreprise. »
Qu’en est-il des crédits hypothécaires ?
Il s’agit d’une activité importante pour la Banque Triodos en Belgique. On pourrait penser qu’il suffit de construire des bâtiments passifs pour atteindre le « zéro net ». Mais ce serait passer à côté de l’essentiel. Erik Kelhout, Senior Product Manager Mortgages aux Pays-Bas : « la grande majorité du bâti existant sera encore là des décennies. Il est donc essentiel de contribuer à sa transformation ».
C’est pourquoi Triodos veut aussi financer les projets d’amélioration énergétique de bâtiments moins efficients. Même si cela doit augmenter à court terme l’empreinte carbone de la banque. « Et pour les constructions neuves, nous souhaitons passer à l’étape suivante : encourager l’utilisation de matériaux biosourcés, renouvelables et réutilisables ».
Une alliée précieuse : la nature
Il reste à aborder l’essentielle question de la « neutralisation » des émissions résiduelles. La neutralisation, reconnue par la SBTi, consiste à retirer durablement du carbone de l’atmosphère. Tout en respectant l’objectif de 1,5°C. Mais comment retire-t-on le carbone de l’atmosphère ? À ce stade, les solutions de captage technologique n’apportent pas de garantie de réussite à grande échelle. Et, selon les experts de la SBTi, nous ne mesurons pas leurs éventuelles conséquences négatives en termes sociaux et environnementaux. Elles risquent aussi d’entretenir l’illusion que l’on peut continuer « comme avant ». Heureusement, nous avons une alliée précieuse pour réguler le cycle du carbone : la nature. Les écosystèmes possèdent en effet leurs propres puits de carbone très efficaces. Aussi, la banque souhaite-elle augmenter massivement son soutien financier à la restauration et la préservation de la nature. Dans ce domaine, Triodos a réalisé des financements de projets très inspirants.
Riëlla Hollander, Managing Directrice du Triodos Regenerative Money Centre : « SnowChange, en Finlande, est une organisation qui vise à réhumidifier des tourbières dévastées qui représentent une immense capacité de capture du carbone. Tandis que le Deutsche Wald Klima Standard développe un nouveau standard de crédit carbone pour permettre aux petits propriétaires forestiers en Allemagne de reboiser de façon locale, adaptée au climat et en faveur de la biodiversité. »
On mentionnera également la restauration d’une vallée dans la Ruhr allemande, où la captation du carbone s’accompagne de co-bénéfices essentiels, comme l’augmentation prouvée de la biodiversité et l’amélioration du bien-être des habitants.
Quant à l’agriculture régénérative et biologique, qui permet d’augmenter la séquestration dans les sols, elle jouera également un rôle important à l’échelle du groupe. Riëlla Hollander : « Les puits de carbone naturels se répartissent en trois catégories : la végétation (par exemple les forêts), les sols (notamment grâce à l'agriculture régénératrice) et les océans. L'activité humaine perturbe le cycle naturel du carbone en raison des émissions directes liées à l'utilisation des combustibles fossiles. Mais aussi par sa déforestation, son urbanisation et son agriculture intensive qui ont un impact sur les sols."
Il s’agit donc de préserver la nature pour favoriser le stockage du carbone et la biodiversité. Mais l’activité humaine peut aussi jouer un rôle positif. En restaurant la nature grâce à des solutions fondées sur la nature. Riëlla Hollander : « À l’avenir, un gestionnaire de forêt ne sera pas rétribué uniquement pour la production de bois, mais aussi pour la capture du CO2. Et une ferme agroécologique tirera ses revenus non seulement de la vente de nourriture mais aussi du soin apporté aux sols. Ce qui améliore la rétention d’eau et le stockage de carbone ».
Toutefois, ce tableau enthousiasmant n’est aujourd’hui toujours pas une réalité. Et il faudra éviter certains effets indésirables d’une neutralisation peu respectueuse des humains et de la nature. « Il est très différent de procéder à des plantations d’arbres à pousse rapide en monoculture et de faire pousser des forêts riches en biodiversité, résilientes et profitables à toutes les espèces, dont les populations humaines. »
Triodos est particulièrement attentive à cette évolution. « À travers le développement d’un marché du carbone, les puits naturels prendront une valeur financière considérable, en plus de leur valeur intrinsèque de patrimoine naturel. Cela suscitera l’émergence de nouveaux modèles d’affaires » prédit Riëlla Hollander. Le secteur des solutions, fondées sur la nature, n’en est qu’à ses premiers pas. La suite dépendra notamment de l’évolution du marché du carbone et des législations. À suivre, donc.
Tous ensemble…
« Nous ne pourrons atteindre le « zéro net » que tous ensemble », affirme Jeroen Rijpkema. C’est ici qu’intervient la partie « As One » de « As One To Zero ». Triodos veut agir à l’échelle du groupe en impliquant tous les départements. Mais aussi convaincre ses clients et partenaires de rejoindre le mouvement.
Il faudra également que les autorités publiques et régulatrices envoient des signaux clairs. Ce qu’elles ont commencé à faire. C’est à cette condition que, par exemple, l’agriculture régénérative peut devenir rentable et la rénovation énergétique du parc locatif peut être envisagée.
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L’ambition « As One To Zero » est un défi de taille mais aussi un pari nécessaire. "En tant que pionnière de la finance durable, depuis 40 ans, la banque se doit d’assumer sa position de leader" explique Bevis Watts, CEO de Triodos Bank UK : « À Glasgow, j’ai pu mesurer combien notre voix compte. La transparence dont nous faisons preuve, même lorsque nous admettons que nous n’avons pas la solution de A à Z, est appréciée. Nous devons profiter de cette crédibilité pour faire bouger le secteur financier et imposer le « zéro net » dans le débat politique et médiatique. »
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