Qu’est-ce qui a poussé ce germaniste à quitter le confort d’un travail sûr pour une carrière de militant luttant pour un monde meilleur, au service des gens, de l’environnement et de la société ? D’abord le problème de la souffrance animale à grande échelle. C’est une chose que le jeune Leenaert ne pouvait supporter, et cela n’a pas changé. Les élevages en batterie où sont entassés des dizaines de milliers de poulets. Des porcheries où les animaux ne voient jamais la lumière du jour. Toutes ces bêtes engraissées et tuées le plus vite possible pour être mangées. Nous, êtres humains, sommes en mesure de faire le choix d’une autre alimentation. Voilà la motivation principale de ce choix de vie.

4 raisons de renoncer à une alimentation animale

Selon Tobias Leenaert, il y a quatre bonnes raisons de cesser de recourir à une alimentation d’origine animale, et il illustre cela par quelques exemples.

<< Premièrement : c’est mieux pour le climat et pour la planète. L’élevage est responsable d’une grande partie des problèmes liés à l’azote. 14,5% de toutes les émissions de gaz à effet de serre proviennent de l’élevage. Mais il y a aussi la déforestation à grande échelle, nécessaire pour la production du fourrage, et qui s’accompagne d’une perte de biodiversité dans de grandes parties du monde. 77%  de toutes les surfaces agricoles sont consacrées à l’élevage et à l’alimentation du bétail.. »

<<  Deuxièmement : c’est plus juste. Chaque jour, des milliers de personnes meurent de faim à travers le monde. Des centaines de millions souffrent d’une alimentation insuffisante. Or, il y a assez de nourriture pour nourrir environ 75 milliards d’animaux d’élevage  . Pour cela, nous utilisons une surface équivalente à l’Afrique et l’Amérique du Sud réunies. C’est donc que cela est possible. Alors pourquoi ne parvenons-nous pas à nourrir 8 milliards d’êtres humains ? L’alimentation végétarienne requiert beaucoup moins de surface que l’élevage. Nous savons que nous pourrions facilement nourrir 10 milliards de personnes avec un régime végétal. Cela apporterait une solution structurelle pour assurer le bien-être de tous, partout dans le monde, quel que soit le rang ou la situation de chacun. »

<< Troisièmement : c’est plus sain. Dans les régions où les gens vivent plus longtemps, on mange moins de viande. Le risque de maladies chroniques telles que les maladies cardiovasculaires, certains cancers, le diabète et le surpoids, augmente avec une consommation élevée de viande. Cela a des conséquences. En Allemagne, par exemple, on a estimé que 30% des coûts médicaux causés par les maladies liées à notre mode de vie sont imputables à la consommation de viande  excessive. Les pandémies de ces dernières années trouvent également leur source dans notre rapport aux animaux. L’élevage industriel élève le risque de ces pandémies, en augmentant la promiscuité entre les animaux. »

<< Quatrièmement : c’est plus respectueux des animaux. L’élevage accéléré des animaux afin de pouvoir les tuer et les consommer le plus rapidement possible est une réalité effrayante. Il s’agit d’êtres vivants sensibles, qui sont aussi sujets à l’anxiété. S’il existe une alternative à ce système, je suis certain que vous souhaiteriez vous aussi l’adopter. Je ne suis pas non plus un enthousiaste de la nourriture à base d’insectes, comme les sauterelles ou les grillons. Nous accepterions alors de tuer d’énormes quantités d’animaux, sous le seul prétexte qu’il s’agit de petites bêtes en comparaison des cochons ou des vaches. Le meilleur choix est donc dans tous les cas de passer à un menu à base d’autres ingrédients délicieux, et il y en a plus qu’assez. »

Le véganisme gagne du terrain

Les alternatives à la viande pèsent actuellement 0,7% de part de marché au sein de l’offre de « viande » traditionnelle et alternative. C’est peu, mais tout de même : les choses progressent de plus en plus vite. Avec des prix de plus en plus compétitifs pour les alternatives à la viande. Ce ne sont pas seulement les consommateurs qui évoluent rapidement en faveur de ces alternatives, mais aussi les autorités et les investisseurs. Trois évolutions sont particulièrement marquantes :

1. Une conscience croissante dans l’opinion publique. Tobias Leenaert : « le végétarisme et le véganisme attirent de plus en plus l’attention, y compris dans les médias de masse. On pense notamment à la série populaire sur Netflix The Game Changers, qui cherche à définir, avec des scientifiques et des athlètes, quel modèle d’alimentation est le mieux adapté pour nos performances et notre santé. Des intellectuels célèbres tels que Yuval Noah Harari, auteur de Sapiens : une brève histoire de l’humanité, contribuent aussi à faire progresser cette prise de conscience. De plus en plus d’informations circulent qui nous incitent à réfléchir et à changer. Autre constat intéressant : nous observons un intérêt pour une alimentation qui respecte les animaux parmi les 5-16 ans. Selon une enquête de la BBC, 21% de ces jeunes personnes sont végétariennes ou véganes, et 36% souhaitent le devenir. Cette génération est notre avenir. Cela est très encourageant pour le futur. »

2. Plus de soutien des autorités. « Si le grand public adopte de plus en plus les alternatives végétales ou d’autres alternatives, cela augmente la pression sur les gouvernements pour qu’ils se saisissent de la question. C’est important car les règlementations ont un impact considérable sur les actions individuelles. Ce qui accélère encore la transition. Pensons par exemple aux Fêtes de Gand, où les stands proposant des plats « alternatifs » bénéficient d’un coût fortement réduit pour leurs emplacements. Mais les choses bougent aussi à plus grande échelle, jusqu’au niveau des Nations unies. Le Danemark prévoit d’investir 168 millions € au cours des prochaines années (sur 1,25 milliards de couronnes danoises) à la transition végétale. »

3. Plus d’investissement dans les alternatives. « Maintenant que l’enthousiasme grandit dans le public et auprès des autorités, les investisseurs se rangent de plus en plus massivement dans le camp du respect des animaux. Des petites start-ups comme des grands groupes cherchent activement des alternatives viables. Trois grands développements sont en cours :
•    plant-based industry : c’est ici que s’observent les avancées les plus spectaculaires. Nous sommes passés des alternatives traditionnelles à la viande, comme le seitan, et surtout le « lentilles-et-pois-chiches » du début du végétarisme, à des produits innovants et savoureux qu’on ne peut plus distinguer de « l’original » : la viande. Des années d’expérience et de recherche portent leurs fruits.
•    cultivated meat : c’est-à-dire la « viande de culture », produite à partir de cellules provenant à l’origine d’animaux, mais dont la production ne nécessite de tuer aucun animal. Une dizaine d’entreprises sont impliquées dans cette production à travers le monde. Il pourrait s’agit d’un grand changement. Car on pourra produire de la « vraie viande », sans souffrance animale.
•    fermentation : en se basant sur des procédés de fermentation qui existent depuis longtemps, des recherches sont menées, notamment dans les universités, pour développer de nouvelles méthodes permettant de produire des protéines à grande échelle, afin de réduire sensiblement notre impact sur la Terre, à valeur nutritive égale. »

Qui voudra encore tuer tant d'animaux ?

Bref : de grandes évolutions sont encore à venir et cela va de plus en plus vite. Les possibilités de choix progressent à grands pas. Vous pouvez naturellement continuer à préférer une alimentation entièrement végétale classique. Cela contribue déjà énormément à un monde meilleur, grâce à une empreinte écologique fortement réduite. Mais de plus en plus d’alternatives se développent sur le marché. Avec celles-ci, qui voudra encore tuer tant d'animaux et sacrifier des surfaces gigantesques de terres agricoles ?

Tobias Leenaert est le fondateur de l’asbl EVA, le cofondateur de ProVeg International (dont fait partie EVA, en tant que ProVeg Belgium), auteur entre autres de Comment créer un monde végane (traduit en douze langues), blogger pour The Vegan Strategist et orateur international pour tous les aspects de l’alimentation végétale.