Fleuron national, le secteur du chocolat est pourtant loin d’être durable. Pauvreté, travail des enfants, déforestation sont quelques-uns des défis à relever. Des solutions existent et c’est toute la filière qui peut en ressortir meilleure.
De la fève à la pépite : la logique de production
Pour comprendre les enjeux, rebroussons d’abord le chemin du cacao. Plus de 90% des fèves sont cultivées et récoltées par 5 à 6 millions de petits cultivateurs dans plusieurs pays situés près de l’équateur. Elles sont ensuite vendues par les cultivateurs et leur coopérative aux grandes entreprises de transformation qui les torréfient et les réduisent en poudre ou en pâte. C’est sous cette forme qu’elles passent dans les mains des chocolatiers. Ceux-ci confectionnent tous les produits à base de chocolat qui seront distribués aux consommateurs par l’intermédiaire des supermarchés.
Une illogique logique des prix
Pour comprendre les enjeux, examinons aussi comment se fixe le prix du cacao et la façon dont les gains sont redistribués.
Bien que le continent africain produise la quasi-totalité de la matière première, le prix du cacao se négocie aux bourses de Londres et New York. Là, ce ne sont pas les producteurs qui fixent les prix mais plutôt les acheteurs, c’est-à-dire les grandes sociétés de transformation, elles-mêmes soumises à la pression sur les prix provenant des chocolatiers, des supermarchés et, in fine, des consommateurs.
Ce rapport de force déséquilibré s’explique, entre autres, par le fait que la consommation locale en Afrique est presque nulle et que les cultivateurs, très petits, nombreux et désorganisés, ne sont pas en mesure d’imposer les prix. A noter également une grande concentration de pouvoir dans la chaîne : 9 entreprises dominent le marché mondial et détiennent la chaîne de transformation et de fabrication du cacao. Ces entreprises ont donc une grande influence sur le prix.
Ainsi, sur le prix payé par le consommateur en bout de chaîne, seuls 6% reviennent au cultivateur, contre environ 16% dans les années 80. Sur une tablette de 100 grammes payée 2 euros, le cultivateur perçoit donc 12 centimes. En Afrique de l’Ouest, la majeure partie des cultivateurs vivent ainsi sous la barre de l’extrême pauvreté, et gagnent moins de 67 centimes par jour et par personne. Conséquence : rien que dans les plantations de Côte d’Ivoire et du Ghana, la dernière étude en date dénombre 2.100.000 enfants au travail dans des conditions difficiles. Cela correspond presque à la totalité des enfants de moins de 18 ans en Belgique. Imagine-t-on un instant tous les enfants du Royaume travaillant péniblement pour remplir notre ballotin de pralines ?
Le travail des enfants est dû à de multiples causes : pauvreté systémique, augmentation de la production de cacao, manque d’infrastructures. Et, bien que les grandes companies se soient engagées à réduire le travail des enfants de 70% à l’horizon 2020, les observateurs et les ONG estiment que la situation ne s’améliore pas véritablement et que les objectifs ne seront pas atteints.
Quelles solutions existent pour endiguer ce phénomène, rendre la dignité aux cultivateurs et éradiquer le travail des enfants ?
4 solutions en chaîne
1. Produire plus pour vendre plus et gagner plus?
Il y a quelques années, face à une demande mondiale grandissante, des annonces de pénurie ont circulé au sein du secteur du cacao. En réaction, de nombreux cultivateurs ont investi dans les plantations pour augmenter leur production, et in fine, leur revenu.
Mais, en 2017, le cacao abonde sur le marché mondial et la demande stagne : le cours du cacao chute.
Pour le consommateur, le prix à la caisse reste inchangé mais, côté cultivateur, les revenus s’effondrent de près de 40 % et la pauvreté se creuse. Entre les deux, les marges des intermédiaires augmentent et, la même année, les entreprises enregistrent une hausse de 4,7 millliards de dollars de profit.
« Nos études montrent qu’il faut une approche globale pour aider les producteurs à améliorer leur revenu, il faut les aider à améliorer leur productivité, à maîtriser leurs coûts et parfois à diversifier leur production au-delà du cacao » explique Nicolas Lambert, directeur de Fairtrade Belgium. « Mais elles montrent aussi que vouloir atteindre un revenu décent sans payer de meilleurs prix est tout à fait illusoire ».
Dans le même ordre d’idées, entreprises de transformation et chocolatiers mettent en place des programmes de formation pour que les cultivateurs puissent améliorer leur productivité. Bien que les formations soient importantes, produire plus n’est pas, comme nous venons de le voir, un gage de revenus décents. Ces actions sont donc très insuffisantes pour améliorer le sort des cultivateurs.
2. Payer (un peu) plus et rétribuer mieux
Mieux redistribuer les gains aux cultivateurs, c’est le principe du commerce équitable développé par des organisations telles que Fairtrade, Oxfam, Ethiquable, Belvas et bien d’autres. Nicolas Lambert ajoute « Il faut oser mettre le sujet du prix sur la table et nous regrettons qu’il soit un tabou pour nombre d’acteurs de la filière. Il faut également une mobilisation globale, non seulement des acteurs du commerce équitable mais de toute l’industrie et des gouvernements, tant dans les marchés consommateurs que les pays producteurs. »
Démonstration par l’exemple. À l’occasion de la semaine du commerce équitable, le chocolatier belge Belvas lançait en octobre chez Carrefour une gamme de chocolats provenant de Côte d’Ivoire. Elle s’accompagne d’un programme de redistribution qui porte bien son nom, « Direct ».
Thierry Noesen, directeur de Belvas : « Actuellement, les cultivateurs de Côte d’Ivoire perçoivent un revenu garanti de 1.300 dollars la tonne de cacao. C’est la moitié d’un prix qui permettrait aux producteurs d’atteindre un revenu minimum vital. Nous allons leur transférer, toutes primes confondues, l’autre moitié pour compenser cet écart. Aucun programme mis en place par des chocolatiers n’en fait autant actuellement. Pourtant, cela ne représente que 10 centimes par 100 grammes de chocolat ! ».
Ces primes seront entièrement reversées aux cultivateurs via la coopérative ECSP qui s’engage à :
- Supprimer le travail des enfants dans les plantations
- Diversifier les cultures pour réduire l’exposition et la dépendance des producteurs au cacao
- Améliorer l’émancipation des femmes en augmentant leur représentation dans les comités des coopératives et en leur permettant d’accéder à un revenu direct.
Restaurer le patrimoine écologique en replantant 2.000 grands arbres pour lutter contre la déforestation dramatique du pays.
Thierry Noesen ajoute : « nous sommes également en train de faire passer l’un des trois villages où nous travaillons à l’agriculture biologique, encore rare en Côte d’Ivoire. Pendant les deux premières années, Belvas compensera les pertes liées à une baisse du rendement.»
On le voit, 10 centimes de plus, c’est une différence minime pour le consommateur qui peut donc, en choisissant le commerce équitable, apporter de belles pierres à l’édifice. Cependant, ne faire porter la responsabilité qu’au consommateur, est-ce suffisant ?
3. Dans les supermarchés, préférer le bon choix au choix multiple
Les supermarchés peuvent aussi jouer un rôle en offrant au consommateur le choix entre du chocolat équitable et … du chocolat équitable ! Citons par exemple le passage pour toutes les pâtisseries de Carrefour et pour l’ensemble de la gamme ‘Fin Carré’ de Lidl au cacao Fairtrade. Des marques de grande distribution franchissent déjà le pas pour d’autres produits comme les bananes. L’idée pourrait s’étendre au chocolat et, dans un cercle vertueux, tirer vers le haut les exigences de durabilité des chocolatiers et des transformateurs.
4. Légiférer pour responsabiliser
Et si la Belgique garantissait un chocolat propre et digne, sur toute la chaîne ? C’est l’idée que défend, entre autres, Oxfam. Comme l’explique Bart Van Besien, spécialiste du secteur du cacao chez Oxfam, « La chaîne du cacao est longue et tous les acteurs se renvoient la balle, c’est pourquoi rien ne change. En s’inspirant de la loi de vigilance créée en France en 2017, ce sont tous les maillons de la chaîne qui devraient prendre leurs responsabilités. Le principe de cette loi est que pour pouvoir vendre le produit dans le pays, il faudra que le respect des droits de l’homme et de la dignité humaine soit démontré sur tout le processus ». Une telle législation permettrait de réguler des pratiques d’un autre âge et, à l’international, notre sombre étendard reprendrait des couleurs plus vives, plus justes.
La Banque Triodos soutient depuis toujours les acteurs de commerce équitable, notamment à travers les crédits que nous octroyons grâce à l’épargne que nos clients nous confient. Et le chocolat est bien entendu un produit phare dans la gamme des produits Faitrade ! Nous finançons par exemple Belvas, Ethiquable ou Oxfam Fair Trade. Alexia de Jonghe, Relationship Manager à la Banque Triodos
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